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 MAI 2007 : papa vient d'entrer à l'hosto

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MAI 2007 : papa vient d'entrer à l'hosto Empty
MessageSujet: MAI 2007 : papa vient d'entrer à l'hosto   MAI 2007 : papa vient d'entrer à l'hosto Icon_minitimeJeu 27 Sep - 20:30

MAI 2007 : papa vient d'entrer à l'hosto JOURNAL%20LE%20FIGARO

Salut A vous

Une "drôle" d’histoire qu’il faut que je raconte, pour tous ceux qui sont ou seront concernés par la maladie d'Alzheimer.

A cause de sa fugue du 8 mai, papa a été hospitalisé de force le soir-même, dans une institution spécialisée en gériatrie.
Je l’ai visité dès le lendemain, puis quelques jours plus tard pour juger de son état mental, je voulais faire le point sérieusement avec lui, on était seuls, j’avais champ libre, alors je l’ai interrogé comme un clinicien interroge son patient, selon ce que j’ai appris en médecine.

J’ai testé sa mémoire immédiate, et remarqué qu’il ne retenait que ce qui l’intéressait. Les dernières news du Figaro, la dernière visite de mon frère, la visite du gardien de son immeuble qui lui avait apporté le Figaro du jour (mardi et celui de lundi), sa sortie en chaise roulante dans le parc de Ste Perrine. Il tend l’oreille, mais si le sujet ne l’intéresse pas, il zap. On a parlé de mon avenir, des difficultés de la presse, de l’impasse de l’industrie pharmaceutique, il a tout pigé et conclu : “Tu devrais perfectionner ton anglais”.
J’ai testé sa mémoire ancienne : impeccable.

Puis je suis passée à son alimentation, et là il m’a appris qu’il ne mangeait en tout et pour tout que deux biscottes confiturées le matin, rien à midi, qu’il ne buvait qu’un café au lait vers 16 heures et grignotait à peine le soir.

Je ne l’ai pas cru, je me suis dit, ce n’est pas possible, il délire.

Au retour m’attendait une convocation de l’assistante sociale pour une réunion sur la conduite à tenir dans les jours à venir, entre soignants, mes deux frères, ma mère et moi.

Je m’y suis rendue, évidemment.

Ma mère m’avait appelée la semaine d'avant pour répéter qu’elle avait le chéquier de papa, qu’elle prenait la directive de lui faire signer mes charges trimestrielles, comme il le faisait avant.
Au passage, elle s’est emballée : “Si tu savais ce que ton frère Pascal m’insulte ! Il dit que je suis vénale, que je réapparais d’un coup dans la vie de ton père pour son pognon !!! Tu réalises, Catherine, le monstre que c’est pas ???
M’en fiche car il va bien voir, le salopard, c’est moi qui obtiendrai la tutelle, je suis sa femme, j’aurai la tutelle et il n’aura plus rien à dire “

Pour moi, c’était à la fois injuste (elle laisse croupir mon père dans sa misère depuis 20 ans, à peine si elle vient le voir) et mal venu, de parler d’argent si vite...

Bref, je me rends au RV fixé par l’assistante sociale. J’ai salué mon papa, confié ma fille à une secrétaire puis me suis installée dans le bureau du compte-rendu.
On s’est tous les quatre assis (ma mère, mon frère Philippe, mon frère Pascal, et moi) en face des soignants : le chef de clinique, l’assistante sociale, la psychologue et l’interne.

Ca a démarré fort, ma mère a fait son cinéma d’emblée : “Vous vous appelez Denis, comme mon père chirurgien, vous êtes Bourguignon ?” s’est-elle adressée au chef ...
Mon frère Pascal a poussé un énorme soupir :
“et c’est reparti !”
Mon frère Philippe n’a pas pipé et moi, j’ai laissé crâner ma mère, depuis que je suis née, faut qu’elle se mette en avant mais elle est moins jolie maintenant, elle frôle le ridicule, elle fait pitié, j’ai attendu que le Chef de clinique expose les faits.

Il était doux, patient mais il s’est gourré au moins une fois : il a déclaré que mon père allait bien, aucun problème cardiaque, bon état général... Puis il a embrayé direct sur l’éventualité d’un début de démence (dégénérescence sénile).
On l’a laissé finir son speech, Philippe a posé la question :
— Est-elle documentée ?

Et là, j’ai pu enfin l’ouvrir :
— Primo, je sais que mon père a une fibrillation auriculaire complète... C’est pourquoi il est sous anti-coagulants, pour éviter un accident vasculaire cérébral ischémique. Ce n’est pas un problème cardiaque ?
Le Chef s’est penché sur le dossier, a tourné quelques pages :
— Oui, effectivement, mais elle n’explique en rien ses désorientations.
— Secundo, ai-je continué, une dégénérescence sénile s’objective. Avez-vous effectué l’imagerie nécessaire ?
— le scanner cérébral est normal
— Je vous parle d’imagerie spécifique ! Le scanner ne suffit pas !
Il n’a rien répondu.
— Et les tests psychologiques ? Un début de démence s’objective sur une batterie de tests dont le “Mini Mental State”, l’avez vous effectué ?

Il a biaisé :
— Non... Ces test sont impossibles à réaliser en milieu hospitalier car ils sont faussés par le contexte.

— Bref, je résume, votre argumentation me semble un peu légère pour le diagnostic de dégénérescence sénile non objectivée.

— Oui, mais, continue-t-il, votre père a des attitudes... Un comportement qui laisserait à penser...
Il se répète dans le flou, alors je l’arrête :
— Pourriez-vous illuster vos propos ? Il se chie dessus ? Il se badigeonne de merde en chantant la Marseillaise ?
— Non, mais il n’hésite pas à sortir de sa chambre sans son bas de pyjama.
— Quoi d’autre ?
— Il refuse la toilette, il s’énerve. Il se passe le gant de toilette sur le visage mais ne descend pas plus bas, il bloque.
— Peut-être rechigne-t-il à se laver devant vous ?
— Il est obsessionnel, il parcourt de long en large le couloir à la recherche du Figaro.

J’apprends alors qu’un de ses voisins le lit régulièrement :
— Eh ben alors, mon père a de la suite dans les idées, il ADORE lire le Figaro, s’il sait qu’il traine, il va fouiner, quoi de plus normal ?

Et là, j’embraye sur ses difficultés à s’alimenter :
— Vous pensez réellement qu’un papy de 85 ans, qui ne mange que deux biscottes par jour + un café au lait, + un demi poireau le soir, ne perd pas la boule ?
— Mangeait-il chez lui ?
— Pas davantage, que du liquide.
— Donc, je m’explique, dit le chef, il n’est pas dans cet état d’apathie parce qu’il ne mange pas, c’est parce qu’il est dans cet état d’apathie qu’il ne mange pas.
— Soit, si vous le dites, mais il s’ennuie ferme ici, il ne prend même pas l’air !
— Si, a répondu Pascal, j’ai réussi à le promener dans le parc la semaine dernière, sur une p’tite chaise roulante.
— Avec moi, il refuse, s’est esclaffé ma mère
— Avec moi, a répondu Pascal du tac au tac, il a obtempéré, je ne lui ai pas demandé son avis, je l’ai foutu dessus, point barre.

J’interviens de nouveau :
— Ne pensez-vous pas qu’il s’agit plus simplement d’une dépression ?
Le chef me répond :
— Non, il y a autre chose dessous
— Qu’en savez vous ? Vous n’avez pas effectué les tests en vigueur !
(Je m’énerve un peu)
— Il est sous antidépresseurs
— Ah bon, bonne nouvelle, lesquels ?
— Le N... Un INSS (à traduire, inhibiteur non spécifique de la
sérotonine : j’suis la seule à comprendre, bien sûr).
— OK, je dis, depuis quand ?
— Une semaine.
— C’est insuffisant pour juger, il faut compter deux semaines de traitement.
Le chef me donne raison : deux à trois semaines.

Là-dessus, un grand débat avec les soignants, histoire de leur démontrer que mon père ne se nourrit plus depuis facile deux mois, ou incorrectement, qu’il a perdu deux chiens qu’il adorait en moins d’un an, qu’il a dû arrêter le golf, sa seule passion etc... Et que le diagnostic de démence débutante était, à mes yeux, un peu porté à la légère.
Mes frères disaient plus rien, le bec cloué, ma mère la pipelette intervenait, tjs à mauvais escient, c’était saoulant.

Et puis soudain, elle a lancé le sujet de la tutelle....
Ah ! Nous y étions !!!

Quand amorcer la tutelle sur mon père, quand allait-elle enfin pouvoir gérer sa fortune ?

Le chef est resté flou : faut voir.

Moi j’ai dit :
— Oh, oh, il est peut-être simplement déprimé cet homme, gravement déprimé et on grille les étapes. Car il n’y a pas de traitement pour la dégénescence sénile, inéluctable, mais pour la dépression, y’en a. Là est toute la différence...

Pendant ma phrase, Pascal nous a distribué dans les rangs (à ma mère, Philippe et moi) des photocopies de textes de droit sur la tutelle. On les a rangés dans nos malettes tout en continuant de discourir et ma mère a insisté fort........
— Mon mari aura-t-il un droit de regard ? Dans son intérêt, évidemment ! (Pourra-t-il s’opposer aux choix de son tuteur ????)

Ca devenait vraiment lourd, j’ai levé le doigt :
— On peut changer de sujet ?
Je suis revenue sur sa désorientation temporo-spaciale du 8 mai, le chef n’a pas su me l’expliquer.
— Y’a-t-il un risque à se qu’il refugue, dès lors qu’il aura retrouvé ses peinates ?
Le chef m’a répondu :
— On ne peut prévoir l’avenir.

Bilan, il va passer, j’espère encore à St Perrine, dans un service de moyen séjour, pour effectuer les tests que J’EXIGE.
Je suis SURE qu’il est très déprimé et très anorexique.

Mais pas du tout débile.
Sa surdité ne l’aide pas, il comprend rien, il répond à côté de la plaque, parce qu’il n’entend pas. Il en a marre de tendre l’oreille.

Je l’ai resalué à mon départ, Philippe lui avait apporté le Figaro, il avait selectionné pour moi les pages sur l’immobilier à Paris. Il sait que je suis de près l’inflation (mes frères ont acheté à Boulogne et Courbevoie).
Il se mattait Roland-Garros sur une TV couleur, on était tous passé le voir en même temps, il souriait, content.

Le soir-même j’ai voulu appelé ma mère, pour lui donner de bonnes nouvelles :
papa n’était pas en dégénérescence sénile, rien ne l’étayait scientifiquement et leurs arguments d’à peu près, connaissant mon père qui s’est tjs trimballé plus ou moins à poil quand il a chaud et très couvert quand il a froid, qui ne jure que par le Figaro depuis toujours (bcp plus dense que le Parisien), incapable de bouffer à heures fixes, connaissant mon père, je sais qu’il est juste dépressif et qu’il voudrait rentrer chez lui.
Et qu’il en accepte les conditions : l’infirmière le matin, la femme de ménage l’après-midi et ne plus s’aventurer seul dehors, tant qu’il n’a pas repris un peu de poil.


J’appelle ma mère qui m’aboie au nez :
“Vite fait, vite fait, je dois sortir”

Je ne comprends pas pourquoi elle me rabroue ainsi.

Et là, je jette un oeil sur les photocopies de Pascal :
Ma mère est destituée de son droit obligatoire de tutelle, par la loi, car elle ne vit plus avec mon père depuis plus de dix ans. Elle se retrouve au même rang que nous, les trois enfants de papa, à savoir : conseil de famille.

C’est très clairement écrit :
“L’ouverture de la tutelle est prononcée par le juge des tutelles, à la requête de la personne qu’il y a lieu de protéger, de son conjoint, à moins que la communauté de vie n’ait cessé entre eux, de ses ascendants, de ses descendants...” BREF

Je comprends, le 15 mai, je comprends la colère et la déception de ma mère.

Papa était effectivement atteint de la maladie d'Alzheimer, mais j'ai mis deux mois à l'admettre.

Je ne l'ai compris et accepté qu'au fur et à mesure de mes visites à son chevet. A l'hosto jusqu'au 14 juillet, puis, chez lui, dans le seizième, ensuite.

Le summum a été le 22 juillet 2007. J'avais prévu de dormir chez lui avec ma fille mais ... J'ai craqué. Il en avait tous les signes, à 20 h, j'allais en perdre connaissance.
J'ai pris ma fille sous le coude, on est allées changer d'air au resto. J'ai accepté le tarif des plats et la première table proposée.

Dix minutes plus tard, bogoss s'installait à côté de nous, entouré de sa propre famille.

Je raconterai demain notre rencontre car il débarque dans moins d'une heure et je ne suis pas encore prête à l'accueillir.

Ces souvenirs me remuent trop et je dois rester belle et positive.
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