Il ne reconnaît pas tellement c'est mieux. Il est venu avec des fleurs, les petites roses que Virginie préfère, rassemblées en un magnifique bouquet multicolore. Il a troqué le costume de doc contre un jean' et une chemise Lacoste. Elle n'a pas besoin de se forcer pour le désirer. Elle sert un premier verre. Elle sait qu'il apprécie par dessus tout le Glenfiddich de 12 ans d'âge... A moins que ses goûts n'aient changé... Non ?... Elle se dose un vodka-orange sans vodka. Dans la cuisine patiente un veau Orloff aux légumes jardiniers, patates, carottes, oignons nouveaux. Dans le living, au centre de la table huit couverts, parée pour la circonstance d'une nappe brodée et blanche, une salade niçoise prend l'huile d'olive. Ils ont tout le temps de manger... La salade ne refroidira pas, et quant au veau Orloff, il suffira de le réchauffer.
Virginie sert un second verre. La même chose pour les deux. C'est à ce moment que Vincent se met à parler de lui. Après une bonne vingtaine de silences, lourds de sous-entendus, et quelques commentaires sur la décoration :
— Joli ce tableau, c'est qui ?... Tu as bien fait de mettre ton lit dans l'autre sens, la chambre s'en trouve agrandie...
Il s'est installé à Genève, moins d'impôts (ah bon ?), une opportunité... Il a racheté une clientèle pour un prix dérisoire, il est très bien situé...
— La Suisse, s'explique-t-il, n'a rien à voir avec la France, pour le métier... Genève est une très jolie ville, il faudra venir visiter...
Virginie l'interrompt pour lui servir un troisième drink. Puis elle le rejoint sur le canapé du salon. Il n'a pas voulu croire qu'elle l'avait fait de ses mains. Il caresse la peau de panthère...
— Thomas et Sophie m'ont aidée, se défend Virginie modeste.
Vincent change de sujet. Il se rapproche, ses doigts passent de la fourrure à sa peau. Elle regarde la main qui s'est posée sur elle. Les doigts de Vincent sont magiques. Vincent a de très jolies mains, longues et juste assez grasses. Les éminences charnues, les paumes pleines, avec de beaux circuits bleutés bien apparents sur le dessus. Ses lèvres se sont collées aux siennes. Maintenant, sa langue visite l'intérieur. Virginie se laisse happer. Tout va très vite. Vincent dégrafe les boutons du corsage, fait jaillir les seins qu'il embrasse à pleine bouche, soulève la jupe, écarte le slip, s'en prend à sa braguette, libère son sexe. Virginie s'abandonne et soupire... L'odeur que Vincent dégage lui frappe les narines. Un mélange de vétiver et de sa sueur de mec en rut. Elle reconnaît ce parfum, recherché parmi tous les autres, et jamais retrouvé. Barbara respire, hume, s’enivre, résiste. Elle ferme les yeux, s'en va, revient, n'entend pas ce qu'il lui répète :
— Oui, toi, toi, hum... C'est si bon toi... TOI, TOI !....
Il crie.
Elle l'entraîne sur le balcon, Vincent l'écroule sur le hamac.
Vincent à demi-nu installe sur le hamac de son ex, son ex à qui il a tout pris... Il écrabouille sa vie, ses espoirs, ses gamins, ses vacances et l'idée qu'elle a d'elle... Il l'écrabouille de son corps lourd.
— T'es devenue bonne, lui susurre-t-il... Bien chienne et bien bonne...
Il lui embrasse les cheveux, le cou, les seins, il lui pétrit les genoux, les cuisses, le ventre... Il halète et le hamac tangue.
— Tu la veux quand, ma bite ?... Tout de suite ?... Tu t'en souviens de ma bite ?... Hein qu'elle est belle quand elle se dresse comme ça !... Pour toi ! Tu vois, elle t'a pas oubliée... Combien t'en as baisé, Hein ma salope, des mecs dans ce lupanar ?
Il est assis sur elle, en équilibre instable. Le hamac tangue. Dessous, la rue, tranquille.