Papa fait trop pitié

J'envoie cette dernière photo que j'ai prise de lui, le mois dernier (juillet 2007) à l'hôpital.

Je ne veux pas davantage de souvenirs tangibles de sa lente déchéance.

Mon cerveau suffira, pas besoin d'images précises, précisément gravées sur du papier (ou un écran).

Il était encore bien ce jour là, sur son fauteuil roulant, aéré dans le parc, sa famille autour de lui.





Ce jour-là, ma mère s'est barrée juste quand on arrivait, les cinq Dalton :

Mon frère Pascal, sa femme, Marianne, leur enfant Nicolas, moi et ma fille qui me suit partout.

Sur la photo, ses deux derniers petits enfants l'entourent.

Je viens de la recevoir du photoshop, je ne me souvenais pas même de l'avoir prise.

C'est la dernière.

Papa y est encore très beau et très digne.

PAPA

Papa je t’ai souvent déçu
Un jour je m’en suis aperçue
Je me suis enfin mariée
Je t’ai donné deux beaux bébés
Je me bats pour qu’ils restent stables
Honnêtes et forts et responsables
Je ne veux plus de hors la loi
Ni magouille ni mauvaise foi.
Trop longtemps il fallut omettre
Insultes, délits et maltraitances
Je pensais préserver l’enfance.
Le mensonge, je n’en veux plus
Mes fistons ne subiront plus
L’éducation que je crois grave
L’instinct de revanche s’aggrave :
Les «Ratons» sont bons à tuer,
Les «Cathos» sont à moitié morts
Pourtant je suis la seule encore
A revendiquer un seul Dieu.
Et le mesquin m’est odieux.
Aussi ce divorce me coûte
Et les démarches me dégoûtent
De remuer cette eau croupie
Par instant j’avoue me meurtrit
Papa, j’ai peine à me défendre
Je le DOIS car il veut me prendre
La chair de ma chair pas question
De me soumettre aux concessions.
Ce depuis cinq ans je me bats
Deux beaux enfants, de lourds débats
Pour l’égalité de nos droits
Je répète un seul Dieu je crois
Mais je m’effraie des conséquences
Je lutte avec ma conscience
Si l’energie démesurée
A sauver leur intégrité
Retombe encore sur ma gueule
Je ne pourrais souffrir du seul
Réconfort que j’avais trouvé
En l’amour de mes deux bébés.

Kti, 11 mars 1992.