Un mec parfait

A 13 heures, Thierry nous invite au resto, au bar de la plage de Blonville.

Je commande comme la veille :

un croque-monsieur, car faits maison ici, ils sont délicieux.
Pour Thierry et Marie, un club sandwich chicken plein de mayonnaise...

BEURK !

On part se baigner, la mer est calme, on bronze, je peaufine mon dos.
Marie se fait une copine dans l'eau, qu'elle file rejoindre après un rapide détour à la maison pour y déposer ses affaires.
A 17 heures, elle y est encore.
Thierry passe l'aspiro puisque nous partons demain.
J'écris, je ne m'ennuie pas, j'pense aux valises, à peines défaites, faut les refaire.
Huit jours, c'est court !
Je ne tousse plus, je ne vomis plus, je ne chie plus liquide.

Bronzée a donf, huit jours ça peut peut-être suffire.

Samedi J 8

Il est cinq heures, Blonville s'éveille.
Même pas, ça dort à donf encore.

Nous rendons notre maison à 17 heures.
Valises à remplir, rien oublier, nettoyer, prière de laisser les lieux dans l'état
dans lequel on les a trouvés.

Très jolie perspective !
Huit jours, c'est court !


M'attendent Paris et mon appart dégueu...

Je n'ai pas hâte d'y parvenir, sauf que le trajet du retour sera forcément sympa, dans la caisse de mon homme.
De la bonne zic et des arrêts buffet.

J'bois trop, ça commence à se voir.
J'aime pas forcément picoler mais ça m'aide à subir.

Mon père grabataire, qui reconnaît même plus ma fille,
Mon fils....................................................................

Le chomage et la BNP.

Quoique le chômage me dérange pas plus que ça.
J'ai bossé toute ma vie, rien à me reprocher.
A bientôt 50 ans, on a le droit de s'arrêter.
Non, je ne me reproche rien.
Trois enfants, plein de maris et du fric à la pelle.
Que j'ai allègrement dépensé.
Je ne me reproche pas de glander à présent.

Ceux qui me tuent sont mon père et mon fils. Je ne peux rien pour eux.

L'agonie de mon père, lente et désespérante
Qui persiste à m'appeler "Kti"
La brutale hospitalisation de mon fils
Qui persiste à m'appeler "Maman"

Internement que je ne m'explique pas
Ce garçon si sympa, si beau, si gai !

Qui me l'a démoli ????

Ca tourne en boucle dans ma tête
J'ai maigri, vachement maigri

Il faut être vachement fort pour...
Continuer à respirer
Comme si de rien n'était.

Jouer au minigolf sous le soleil
Comme si de rien n'était.

Je le visite à l'hôpital quand il n'est pas en cellule d'isolement
Il n'y a rien de pire pour une maman.
Je lui parle au tel quand on accepte de me le passer.
Que s'est-il passé dans le passé ?

Il est si chétif, si perdu
J'ai peur qu'on me le tue

Oh, OH
Il sort de mon bide et VOUS, les étrangers
J'ai envie de vous étrangler.

JE NE PEUX RIEN FAIRE

Impuissante.

Tu peux essayer de faire comme çi

Parce que ta fiffille s'amuse
Parce que ton homme est charmant
Le prince et sa cornemuse
Aimant, prévenant.

Tu peux essayer de faire comme si

Parce qu'il y a la plage
Les vagues et le firmament
Le joli Deauville et la plage
Le joli Blonville et le vent

Entre deux draps dort ton enfant
Tu peux essayer de faire comme ça
Même s'il s'agite entre deux draps
Et des marques des marques,
Marquent ses bras

Tu peux pas le sortir de là.

Il faut l'accord du père...

Ah oui ?

Comme c'est drôle ! J'adhère !

Tu peux essayer de faire comme si
Mais tu ne penses qu'à ton enfant
Celui qui marine dans son jus
Quel jour ? Il ne sait même plus !
Celui qu'on attache sans vergogne

PARDONNEZ-MOI MAIS J'AI LA ROGNE !

Samedi (suite)

Noire, je suis noire.
Et de partout, même en dessous.
Recto-verso.
J'ai laissé s'enfuir mon amant, ma Marie-Cha, à la plage.
J'avais pas envie de sable, ni de vagues. Le soleil au zénith, je me régale de notre solarium perso :
Table blanche, quatre chaises blanches, posée sur deux d'entre elles, je bronze autant.

Noire, je suis noire... C'est plaisant.
Car dans mon jardinet, à l'abri des regards, je peux bronzer les jambes ouvertes. Je fais donc aussi l'intérieur des cuisses, l'intérieur des bras, impossible à la plage.

Je pleure, je viens de me relire, je pense à Mathieu, faut pas.
Faut qu'il sorte de là !

Notre dernier rendez vous là-bas, il m'a supplié :

"Maman , maman, sors moi de là, où tu ne m'aimes pas ! Maman, je t'en supplie, j'suis en train de mourir ici ! Ne me laisse pas mourir ou tu ne m'aimes pas !"

Le lendemain de cette visite, impossible de lui parler au tel.
Il avait tenté de s'échapper, devant moi :
"Maman, détourne l'attention du cerbère de la sortie, je file et vous me rattrappez, à l'angle de la rue, Thierry et toi... Vas-y, on file !"
J'ai tenté le coup mais le cerbère a stoppé net mon fils devant le portail, il lui a fait un croche patte, mon fils à terre qui criait...

"Maman, maman je VEUX rentrer à la maison"

Thierry et moi, on était attérés, on voulait le reprendre chez moi, mais non.
Fallait d'abord en référer à ces putains de soignants !

Or j'suis sa mère et médecin spécialiste de surcroît. La psychiatrie, j'connais !

Non, non, IMPOSSIBLE DE TIRER MON FILS DE CET ENFER !

Je suis rentrée penaude, le nez coulant dans mon mouchoir, on est partis bredouilles, Thierry et moi.

Le lendemain, j'apprenais que Mat avait fait une fausse route.
Gavé de neuroleptiques, il n'avait pas digéré son repas du soir, qui lui était remonté dans les bronches :
Pneumopathie d'inhalation : intubation et perf.

Ah, il est beau, mon ex, à l'hospitaliser ainsi !
Alors que je suis prête à le reprendre, il y a tout ce qu'il lui faut ici !

Qui me le tue, mon fils ?

Le connard qui m'a tabassée à plusieurs reprises, parce que j'étais pas Juive ?

Qui m'a laissée KO sur mon parquet, le cou démis et la gueule arrachée ?

Il veut un monde parfait ? Plein de petits soldats dévoués à la TORAH ?

Il s'est pas vu, impuissant à 30 ans, il se venge ?

Sur NOTRE enfant ?
Pourquoi Mat, il pairait ?

Que son père s'acharne à honorer sa nouvelle femme, j'y vois aucun inconvénient, au contraire, au moins, il ne défonse plus l'entrée de mon immeuble, mais qu'il ne se venge pas sur Mathieu.

Si fragile, si fragile.